Nous évoluons dans une société bizarre, de plus en plus polarisée, où le clash est recherché en permanence, parce qu’il déclenche le clic, où les polémiques engendrent plus de vues, de reprises, d’audience, donc de publicité, d’argent, de présence et pour certains l’espoir d’un vote…
On s’invective sur Facebook comme on prend son café le matin, avec d’autant plus d’aisance qu’on y est réduit à l’état de signes et d’émoticônes. Nous avons cessé d’être des humains pour devenir des avatars (!!!), sur lesquels on peut déverser sans ciller des insultes en bataille. Certains en sont devenus de bien tristes spécialistes.
Les réseaux sociaux fonctionnent à l’immédiateté, à l’agressivité, à la simplification à outrance. Il faut faire bref et percutant, jouer le manichéisme contre la complexité du réel, l’émotionnel contre le rationnel, le slogan et la formule contre l’explication nuancée.
On a banni la nuance qui fait de vous un mauvais client, nuit à votre réputation quand l’extrême fait vendre, demande du temps pour déplier la pensée quand nous désirons tout, tout de suite.
La nuance, c’est la subtilité à l’heure des affirmations, la modération à l’heure de l’inflexibilité. C’est l’hésitation, la prudence, la réflexion, la remise en question; bref, cela demande des efforts ( pire un peu de travail) et peut-être même du courage quand il est tellement plus simple de camper sur ses positions et surtout de caricaturer l’autre.
Dans un monde renversé où l’on a perdu l’habitude, avec les confinements, le télétravail, la distanciation, d’échanger avec des êtres de chair et de sang et, par là, d’exercer sa souplesse d’esprit et son sens du compromis, qui sait si la nuance n’est pas la nouvelle radicalité, l’ultime transgression ??
