A toute chose, malheur est bon. La crise agricole, à défaut de régler tous les problèmes des paysans, aura au moins eu le mérite de calmer les ardeurs normatives de Bruxelles.
Dans un acte rare de contrition, Ursula Von Der Leyen a enterré sans tambour ni trompette le projet visant à réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici à 2030. C’était l’un des piliers du « pacte vert », mais, face à la jacquerie, la Commission juge plus prudent de revoir sa copie, en tenant compte, cette fois, des conditions économiques dans lesquelles évoluent les agriculteurs.
Que n’y avait-elle pensé plus tôt ?! Pris d’un soudain accès de lucidité, le gendarme bruxellois promet ainsi d’encadrer strictement sa feuille de route vers la neutralité carbone en 2050 : celle-ci, qui sera sagement présentée après les élections européennes (!), devra garantir la compétitivité des industriels, des conditions de concurrence équitables à l’international, ainsi que des emplois stables et pérennes. Que n’a-t-on commencé par là ?
Personne n’a jamais reproché à l’Europe de se préoccuper du dérèglement climatique ou de la défense de l’environnement. Ce qui choque, c’est cette propension à s’engager unilatéralement, au-delà de toute raison, sans tenir aucun compte de la réalité. Notre agriculture, soumise à une réglementation de plus en plus tatillonne et restrictive que nulle part ailleurs dans le monde, se retrouve à genoux, victime de notre propre zèle.
Ce qui vaut dans les campagnes vaut dans l’industrie, où le volontarisme européen frise l’inconscience. Qui, par exemple, peut sérieusement évaluer aujourd’hui les conséquences d’un passage complet à la voiture électrique d’ici à 2035 ? Produirons-nous suffisamment d’énergie pour les faire rouler ? Où trouverons-nous les matériaux pour les fabriquer ?
Rien n’indique, hélas, comme pour les pesticides ou la rénovation thermique des logements, que ces questions basiques aient été rigoureusement soupesées avant de légiférer.
Sur tous ces sujets cruciaux, il serait grand temps de redescendre sur Terre.